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lundi 17 août 2015

Montrer pate blanche à la Retirada.

Bonjours à tous.
Critiquons, moquons-nous, des riches, des puissants, des cons et mal-baisants, mais n'oublions jamais que la haine aveugle n'est pas sourde.
Il est des moments où la plume chatouille tellement le poil qui s'érige dans la paume de ma main que je crains que mes mauvais caractères ASCII dévalent en roue libre sur la pente de ma colère noire sans que je puisse en refréner la course. Ce que je m’apprête à décrire ne sera donc, pour certains, qu'un cri d'indignation bien vain compte-tenu des circonstances actuelles. Les mêmes me reprocheront, à n'en pas douter, de chercher la petite bête et, de ce fait, m'adjoindrons que je ne m'étonne pas si d'aventure j'en prenais une grosse en pleine face.
Si je prends tant de précautions avant de narrer ma pathétique mésaventure, ce n'est que pour mieux inviter les fâcheux de tous poils et toutes obédiences politiques, qui tremblent dans leur caleçon sitôt qu'un maghrébin leur demande l'heure, ou qui se réjouissent des check-points installés sur les bords de Garonne ou de Seine en prétextant une insécurité grandissante, en les invitant, donc, à passer leur chemin et, s'ils persistent à vouloir parcourir ces quelques lignes pour s'autoriser à se fendre de commentaires autoritaires ou Orweliens à propos de sang impur qui devrait abreuver tel ou tel sillon, qu'ils s'en dispensent, ou mieux, qu'ils continuent de le faire sur le facebook de Libé, du Monde ou de Rue89 où ils ont vraisemblablement leurs habitudes.
C'est bon? Nous voilà entre personnes raisonnables autant qu'ils soient permis de l'espérer? Bien!
Laisser moi donc vous raconter celle du quai de la Retirada, aussi appelé de l'Exil Républicain Espagnol, et des espaces publics privatisés pour le plus grand plaisir d'organisateurs d'événementiels et de quelques citadins voulant goûter aux joies de s'allonger dans l'herbe verte sur des transats. Ceux qui me lisent, m'écoutent et me voient régulièrement, outre le fait qu'ils devraient se faire soigner rapidement, connaissent déjà mon aversion particulière pour Toulouse Plage.
Et ben laisser moi vous dire qu'avec le coup qu'un zélé salarié d'une entreprise supposée assurer la sécurité des lieux publiques en ces périodes estivales m'a fait subir il y a peu, mon avis sur la question n'est pas prêt de s'édulcorer.
Après avoir acquit l'autorisation de jouir des espaces plus si verts que ça avec quelques amis musiciens il y a 2 ans à peine, par le biais de l'association Bordamus, j'ai pris l'habitude de me rendre, guitare sur les épaules et partitions dans le sac, parce que Baden Powel ne s'apprend pas aussi facilement que la Grosse bite à Dudule, à un endroit bien connu des habitués de la ville rose intitulé la prairie des filtres. Sans alcool la fête estplus folle et j'avoue perdre le goût des bières chaudes en plein cagnard parce que la vieillesse est un naufrage et que j'ai bien assez noyé mes problèmes dans la liqueur à rire quand d'autres l'ont à pleurer.
Bref, sans problème ni en allant ni en venant, je propose généralement au préposé général de bien vouloir tâter mon sac plutôt que de l'ouvrir car je ne vide ce dernier que lorsque la déprime ou la police m'y oblige. Ainsi, je me dirigai le cœur léger et la tête encore pleine des bossas nouvelles et sambas tristes de l'après midi et me dit : "Tiens, je passerais bien par le quai de la Retirada pour profiter de la fraîcheur du soir en bord de Garonne afin de prolonger l'un des rares moment de quiétude que m'offre une vie tumultueuse de saltimbanque/cadre d'entreprise".
C'était sans compter sur la rudesse de mon adversaire qui, en me voyant arriver, débonnaire et mal sapé, m'interpella de son "Ouvrez votre sac s'il vous plaît" fort peu en adéquation avec mon état d'esprit.
Pris d'une furieuse envie de l'ignorer et de passer mon chemin malgré tout, je me ravise en préférant lui expliquer que je ne comptais nullement m'attarder sur le quai mais simplement longer ce dernier, et que, s'il le souhaitait, il pouvait procéder à la palpation du dit sac, comme ses collègues plus tôt dans l'après midi avait bien voulu s'en accommoder eu égard à ma pudeur.
Le mercenaire de la tranquillité des riverains, plutôt que de s'exécuter et de me laisser parcourir les trois cent cinquante mètres qui nous séparaient du check-point suivant, me lança un glacial : "Si vous n'ouvrez pas votre sac je ne vous laisse pas passer" avant de s'enquérir d'un autre passant qui s'exécuta sans rechigner à son injonction de voyeur assermenté.
Je tenta alors de parlementer avec l'agent en essayant, d'une part, de lui décrire le contenu du sac tout en lui proposant une nouvelle fois de le manipuler à sa guise sans lui permettre d'y fourrer les mains et, d'autre part, en lui rappelant qu'il s'agissait d'un espace public et à moins qu'il ne me montra un badge de policier, je refuserais de lui ouvrir ma bourse.
S'en suivi une conversation houleuse durant laquelle il me menaça de faire appel à la police si j'osais franchir la ligne imaginaire qui me séparait de l'intérieur de l'enceinte sécurisée, ce qu'il ne fit pas, malgré mon insistance à faire constater mon droit de circulation et ma volonté de coopération dans la limite de ma vie privée.
C'est alors que deux tristes corbeaux, par l'odeur du scandal alléchés, me firent un fromage et tentèrent de se saisir de mon précieux, après m'avoir invectiver à propos de Charlie Hebdo et de la sacro-sainte sécurité de tous, que mon bagage secret risquait de mettre dramatiquement en péril.
L'un d'eux, se prétendant du métier, s'approcha si près que je cru qu'il allait me proposer un tango, même si m'est avis que c'était d'une tout autre danse qu'il souhaitait m'entretenir. Je repoussa ses avances d'un ton ferme en essayant de faire preuve de la plus grande diplomatie pour terminer ma démonstration avec le détenteur privatif de la force public. Ce dernier coupa court et me menaça cette fois de faire usage de son spray lacrymal si je ne dégageai pas le lieu. J’éclatai d'un rire nerveux et m'offusquai de cet ultimatum à qui voulait l'entendre.
Deux jeunes techniciens de Toulouse Plage, présents durant toute la scène, installaient quelques panneaux. Je me dirigeais vers eux en espérant avoir de leur part, sinon un soutien, tout du moins le numéro d'un responsable pour parvenir à comprendre en quoi mon attitude m'interdisait de me balader dans un espace public.
Me signifiant qu'il n'avait pas une telle information en leur possession, je leur demandai leur prénom au cas où le pathétique spectacle en viendrait à dégénérer ce qu'ils me refusèrent en tournant les talons vers leurs pancartes.
Ne voulant pas risquer de me prendre une beigne pour avoir juste voulu profiter de l'air frais, je décida de faire de même et m'en fut, profondément choqué, en subissant dans mon dos les insultes et les invectives des trois sires d'empoigne qui me tenait lieu de cerbère.
Voilà pour cette chronique d'un quai où des révolutionnaires espagnols, il y a plus de 70 ans, ont trouvé refuge après s'être exilés du régime franquiste qui venait de s'instaurer dans leur pays.
Bien sûr, j'aurais pu céder, ne pas emmerder le pauvre gugus qui ne fait que son travail sans se poser de questions, être courtois et poli quand on m'a insulté et menacé. Bref, j'aurais pu me laisser aller comme la plupart d'entre nous, à faire simplement le constat de cette société qui s'encre dans l'autoritarisme abscons et la montée des fanatismes.
Et j'avoue que mon coup d'éclat était un rien désuet et certainement disproportionné par rapport à l'oppression que j'ai cru subir sur le moment.
Moi qui ne voulais qu'un peu d'air frais pour parachever un week-end de musique et de chants partisans, je n'ai obtenu que frustration et dégoût de ce petit chemin qui sent la noisette et résonne encore des luttes perdues face au fascisme et l'ordre des choses.
A bon électeur, salut!

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